Le marché de la maison neuve en secteur diffus connaît une chute vertigineuse des ventes, comme le souligne le Pôle Habitat de la FFB, lors d'une réunion tenue, ce jeudi 20 octobre 2022, à Paris.
Les ventes s'écroulent de 26,8% en glissement annuel sur les huit premiers mois de l'année 2022. Sur l'ensemble de cette année, les ventes de maisons neuves pourraient atteindre les 102.000 unités, proche du pire exercice qu'ait connue ce secteur sur les quinze dernières années.
Quant à l'habitat individuel groupé, lui non plus ne se porte guère mieux, avec un net recul des ventes de 17.3% (glissement annuel sur le premier semestre).
Le logement collectif, quant à lui, est en repli de 9% pour les particuliers, de 33,4% pour les institutionnels et les mise en vite ont reculé de 9.8%.
L'effondrement des ventes à l'échelle nationale est observé dans toutes les régions, sans exception. Sur huit mois, depuis janvier 2022, dix d'entre elles enregistrent une chute supérieure à 20%, en glissement annuel.
Ainsi, cinq régions souffrent d'un écroulement des ventes proche ou supérieur à 30%. (Bourgogne-Franche-Comté (-32,8%), Hauts-de-France (-30,4%), Occitanie (-29,7%), Nouvelle Aquitaine (-29,3%) et Normandie (-29,1%))
Cinq régions se situent dans la moyenne nationale de -26,8% (Centre-Val de Loire (-27,8%), Grand Est (-27,3%), Pays de la Loire (-27,3%), Bretagne (-26,1%) et Auvergne-Rhône-Alpes (-23,1%))
Enfin, l'Île de France avec -19,2%, la Corse à -13,5% et la Provence-Alpes-Côte d'Azur également à -13,5% enregistrent une chute des ventes un peu moins brutale.
(Source CGI Bâtiment / Caron Marketing, Markemétron.)
Mais comment expliquer cet effondrement du marché ?
Comme le souligne l'analyse du Pôle Habitat de la FFB, cet effondrement s'explique par une série de vents contraires :
- difficultés d’accès au crédit immobilier,
- inflation et incertitudes sur le pouvoir d’achat,
- augmentation continue des prix du foncier (notamment sous les premiers effets du principe de Zéro Artificialisation Nette),
- flambée vertigineuse des coûts de construction provoquée par l’entrée en vigueur de la RE2020 et l’explosion des tarifs des matériaux.
Le logement neuf se dirige donc chaque jour un peu plus vers une crise profonde et sévère. Le Pôle Habitat FFB appelle des réponses rapides de la part du Gouvernement. Face à la crise des matériaux, il faut d’abord soutenir les opérateurs en neutralisant les pénalités de retard dans les contrats privés et en réformant les modalités de révision de prix en CCMI. Il est ensuite nécessaire de soutenir l’accession à la propriété en desserrant les contraintes en matière de financement, en rétablissant le prêt à taux zéro à 40% sans discrimination territoriale, en relevant les plafonds d’opération pris en compte pour son calcul et en instaurant un crédit d’impôt sur les annuités d’emprunt pour compenser l’impact des hausses de prix. Il faut également redonner confiance et envie aux investisseurs particuliers en restaurant, avant sa disparition, l’attractivité du dispositif Pinel et en engageant la mise oeuvre d’un régime universel d’investissement locatif privé.
« La situation exige des réponses dès la loi de finances pour 2023, sous peine d’un effondrement du logement neuf, malgré la persistance des besoins. Au-delà, il faut donner au secteur plus de stabilité et de visibilité, et lui permettre de construire plus, mieux et moins cher. C’est donc aussi un enjeu de transition écologique, au coeur des territoires, pour ceux qui y travaillent et y vivent. » explique Grégory Monod, Président du Pôle Habitat FFB.
Comment soutenir les acteurs de la construction neuve ?
Les indicateurs à disposition montrent que le secteur du logement neuf se dirige chaque jour un peu plus vers une crise profonde et sévère, tant pour les ménages que pour l’activité et l’emploi du secteur.
À court terme, les enjeux prioritaires auxquels il convient d’apporter des réponses puissantes et rapides sont de trois ordres :
1/ soutenir les opérateurs, desserrer les contraintes en matière de financement des acquéreurs,
La crise des matériaux génère depuis bientôt deux ans des augmentations considérables et imprévisibles des prix, mais aussi des difficultés d’approvisionnement récurrentes. Sur les contrats déjà signés, elle a contraint les opérateurs en aval de la chaîne, notamment ceux intervenant en CCMI ou en VEFA conclus avec des particuliers à prix fermes et définitifs, à rogner dangereusement sur leurs marges et elle les expose à devoir supporter l’application de pénalités de retard. C’est tout un écosystème qui aujourd’hui est fragilisé.
Aussi, en complément des premières mesures annoncées dans le cadre des Assises du BTP, le Pôle Habitat FFB réitère son appel à neutraliser, à l’instar des mesures prises dans les ordonnances du premier confinement de 2020, l’effet des clauses de pénalités de retard dans les contrats privés, si celui-ci est lié à la crise des matériaux.
Il appelle également à faire évoluer, en Contrat de Construction de Maison Individuelle (CCMI), les modalités de révision du prix en permettant que celle-ci puisse être calculée jusqu’à la date d’ouverture du chantier ou a minima jusqu’à la date de réalisation de l’ensemble des conditions suspensives prévues au contrat. Cette mesure devra naturellement trouver un écho positif du côté des banques, qui peinent aujourd’hui à intégrer les révisions de prix dans les plans de financement des acquéreurs.
2/ desserrer les contraintes en matière de financement des acquéreurs et relancer l'accession à la propriété (notamment pour la prim-accession)
*Rétablir le prêt à taux zéro à 40% sans discrimination territoriale
Pour soutenir l’accession à la propriété des ménages modestes et primo-accédants, donc fluidifier le parcours résidentiel et favoriser la mise en réserve d’un capital qui pourra être mobilisé lors de la retraite, le prêt à taux zéro (PTZ), qui n’est ni un produit financier, ni une niche fiscale, a largement fait ses preuves depuis sa création en 1995. Plutôt que de le supprimer dans les zones dites « détendues » (vieille antienne à rebours de la cohésion des territoires), le Pôle Habitat FFB appelle à rétablir sa quotité de 40% sur l’ensemble du territoire.
Le rétablissement de ce taux, sans discrimination territoriale, permettrait, en cette période de forte inflation et de remontée rapide des taux d’emprunt, à de nombreux ménages, les plus jeunes et les plus modestes, d’accéder à la propriété dans des zones où de nouvelles tensions se manifestent du fait du déplacement de la demande des grandes métropoles vers leurs couronnes éloignées et vers les villes moyennes. Pour rappel, les zones B2 et C, dont la classification date de 2014 à l’appui de données de 2012, représentent près de 93% des communes du territoire national, dans lesquelles vivent près de 60% de la population française.
En outre, les données à disposition montrent que l’affaiblissement du PTZ dans ces territoires produit des effets contraires aux politiques publiques de lutte contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain, puisque les aspirants à la propriété sont contraints de réaliser leur projet dans des zones encore plus éloignées des zones d’activités et de services, précisément là où le foncier est le moins cher.
*Relever de 25% les plafonds d’opérations pris en compte pour le calcul du montant du PTZ
La raison principale à la réduction de la distribution du PTZ depuis quelques années réside évidemment dans un marché du crédit très détendu, proposant des prêts banalisés à très faibles taux d’intérêt et amortissables sur longue période (20 ans, voire plus), sans formalisme particulier.
Toutefois, la dégradation du pouvoir déclenchant et solvabilisateur du PTZ pour la primo-accession s’explique également par la dégradation progressive de son barème.
En effet, la non actualisation depuis le 1er octobre 2014 des plafonds d’opérations pris en compte pour le calcul du montant du PTZ joue un rôle majeur, alors que les prix réels d’opérations s’affichent en hausse de 25% entre les quatrièmes trimestres 2014 et 2021, selon l’indice Insee des prix des logements neufs.
Ainsi, en 2015, 57% des opérations neuves cofinancées par un PTZ présentaient un coût supérieur aux plafonds ; cette proportion a atteint 79% en 2021. De plus, les écarts entre les coûts d’opérations et ces plafonds se sont creusés, passant en moyenne de 31% en 2015 à 49% en 2021.
À ce titre, le Pôle Habitat FFB demande, aux côtés de la FFB, un relèvement des plafonds d’opérations de 25%, en ligne avec la hausse des prix constatée depuis 2014.
*Instaurer un crédit d’impôt pour atténuer l’impact financier de la RE2020
Si le principe de la RE2020 n’est pas contestable au regard de l’objectif affiché de la transition écologique, il n’en demeure pas moins qu’elle génère pour les ménages acquéreurs d’un logement neuf un endettement supplémentaire.
Dans ce contexte, afin de concilier le double objectif de soutien à la transition environnementale et de sauvegarde du pouvoir d’achat des ménages, le Pôle Habitat FFB défend, aux côtés de la FFB, l’instauration d’un crédit d’impôt de 15% sur les cinq premières annuités d’emprunt, afin de compenser, au moins partiellement, les surcoûts nés de la RE2020 et de la hausse des prix des matériaux.
Cette mesure profiterait essentiellement aux ménages modestes bloqués par le taux d’effort sans leur faire courir de risques financiers.
3/ redonner confiance et envie aux investisseurs particuliers
*Restaurer l’attractivité du dispositif Pinel avant sa disparition
La loi de finances pour 2021 a prorogé de trois ans l'avantage fiscal lié au dispositif Pinel tout en réduisant progressivement le taux et en fixant des critères de qualité d’usage (superficie minimum des logements, espaces privatifs extérieurs, double orientation, exigences 2025 de la RE2020). Il s'agissait, selon l'exposé des motifs, de mettre en place une transition vers un dispositif plus efficient.
Mais l’effondrement actuel des ventes de logements, sans compter les agréments Hlm qui plafonnent à 90 000 unités par an depuis 2021 (contre 110 000 en 2016), risque de bloquer l’alimentation en neuf du segment du locatif privé détenu à 97% par des bailleurs personnes physiques qui s’avèrent, au surplus, très sensibles aux dispositifs fiscaux de soutien.
Dans ce contexte, il parait donc indispensable d’aménager le dispositif Pinel pour le rendre plus attractif avant sa disparition programmée au 31 décembre 2024, et non de le supprimer dès fin 2023 comme le préconise un amendement au projet de loi de finances pour 2023.
Le Pôle Habitat FFB appelle ainsi, aux côtés de la FFB, à maintenir les taux de réduction d’impôt tels que prévus en 2022 sur les années 2023 et 2024, date à laquelle le dispositif Pinel prend fin. Autrement dit, il s’agit d’abroger les dispositions relatives au « Pinel+ » qui affaiblissent sensiblement son attractivité.
Le Pôle Habitat FFB appelle également à revenir sur l’exclusion de l’habitat individuel du dispositif Pinel et rappelle que cette forme d’habitat, dans les communes des zones A et B1, répond tant aux souhaits de nombreuses collectivités que des familles recherchant une solution de logement conciliant densité, espace et proximité avec les services et l’emploi.
* Mettre en oeuvre un régime universel d’investissement locatif privé
En matière d’investissement locatif privé, la suppression d’un dispositif puissant (Périssol, Robien, Scellier) ou son rabotage (Pinel) se traduisent systémiquement par une chute des ventes, de moitié en ordre de grandeur (menaçant dans le cas présent 45 000 emplois dans la filière construction).
La fiscalité très lourde s’appliquant à l’investissement locatif en neuf (TVA à l’entrée, pas de prélèvement forfaitaire unique pour les revenus fonciers et éventuel IFI pendant la détention du bien, plus-values lourdement taxées à la revente jusqu’à 15-20 ans…) explique largement cet impact. Les dispositifs fiscaux de soutien viennent en réalité simplement corriger cette situation. Leur instabilité constitue toutefois un lourd handicap, d’autant plus dans le cas du logement collectif où le délai entre commercialisation du projet et première mise en location du bien se révèle souvent supérieur à deux ans.
Aussi, en parallèle de l’aménagement du dispositif Pinel jusqu’à sa disparition, le Pôle Habitat FFB et la FFB prônent l’instauration d’un régime universel (pour le neuf et l’existant, les locations nues comme meublées sur tout le territoire) d’investissement locatif privé (comme cela existe en Allemagne depuis près de 60 ans) basé sur une mécanique générale d’amortissement. Il vise à faire rentrer l’immobilier locatif privé dans le champ des activités économiques et à apporter une stabilité fiscale indispensable à ces investissements sur le long terme.
Les revenus nets de location seraient taxés à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers. Au-delà des charges aujourd’hui déductibles, s’ajouterait l’amortissement de l’immeuble et des gros travaux au taux annuel de 2%. L’éventuel déficit foncier serait reportable sur le revenu global sans limitation. En contrepartie, tous les régimes dérogatoires (Pinel, Scellier, locations meublées professionnelles…), donc les dépenses fiscales associées, seraient ensuite (et seulement ensuite) supprimées, à l’exception du dispositif Malraux. En l’état, le coût d’un tel dispositif s’avérerait un peu moins coûteux que l’ensemble des dispositifs qu’il remplacerait.
Source POLE HABITAT FB - 20 octobre 2022.